Chaque fin d'été, lorsque que les jours diminuent et que la fraîcheur de l'automne pointe son nez, c'est le moment pour chacun d'entre nous de remiser parasol, serviettes de plage et maillots de bain.

Sur l'insistance de ma chère Maman, je me permets de vous glisser ce petit conseil : juste avant de ranger vos maillots sur l'étagère du haut, vaporisez les de naphtaline et glissez un petit bouquet de lavande entre le haut et le bas pour les filles, entre le bas et le bas pour les gars. Ça sent bon, et puis ça fait joli dans l'armoire, ça rappelle l'été et ça chasse les mites. Moi j'aurai tendance à penser que c'est un mythe, mais les mites, elles pensent que ce n'en est pas un. Juste avant le coup de l'armoire, ma Maman vous conseille de leur donner un coup de fer à repasser. Sans trop insister, c'est quand même du nylon. Ça a beau tenir sous le soleil, un maillot de bain, ça ne résiste pas longtemps au coup de chaud du fer à repasser. Alors mollo mollo, juste un petit coup en douceur.

Mais voilà : il faut partager un autre conseil de ma Maman qui s'y connaît bien en maillot de bain : « Le mieux, c'est encore les maillots tricotés en laine !... Tu te souviens ? Quand t'étais petit, je t'en ai fait un très joli, couleur vert bouteille avec des losanges rouges ... et des bretelles... tout au crochet ! »

Oui, je m'en souviens, ô que oui ! Ça grattait quand il était encore sec. Ensuite, quand tu partais te baigner avec, tu n'osais plus sortir de l'eau... Parce que avec la laine, ce qui est bien quand elle est mouillée, c'est que ça gratouille moins ; mais ce qui est moins bien, c'est que ça pendouille plus. C'est le poids du mouillé. De plus, la laine mouillée, quand tu vas jouer dans le sable pour faire de beaux châteaux (ou bien des pâtés si tu veux, rien que des pâtés tout simples, c'est bien aussi, les pâtés), le sable, il colle au maillot. Tu te relèves, tu en as plein dedans, ça fait une poche. Au fur et à mesure que tu vas te baigner, que tu ressors pour faire d'autres pâtés, que tu fais ça tout au long de l'après-midi, le maillot, il se détend et il se met à pendouiller entre tes cuisses jusqu'au niveau des genoux.

Là, quand tu croises le regard de ton amoureuse de 7 ans et demi dans son petit maillot de bain bouffant en tissu à fleur, celui que tu aimes bien parce qu'elle a toujours une fesse qui sort et l'autre pas, alors là, avec ton truc qui pèse des tonnes, avec le sable, les petits cailloux, les coquillages, le goëmon et les puces de mer de toute une journée à la plage, tu te dis « Jamais plus je ne remettrai un maillot en laine. Tu m'entends, Maman ? Jamais plus ! »

A tous les gars qui lisent ce témoignage, j'aimerais poser la question : « Vous aussi, avez-vous eu un maillot de bain tricoté par votre Maman ? Si oui, y repensez-vous souvent ? En êtes-vous bien sorti avec les filles, ensuite, à l'âge des boums ? Et maintenant dans votre vie de famille, avez-vous pu en parler à votre femme, à vos propres enfants ? »

Moi oui, et pourtant... Pourtant, j'ai bien peur que certains d'entre nous qui ont vécu cette expérience, se sentent encore seul, avec l'image de cette chose au point de croix qui ballotte entre les genoux, avec le sourire de la petite fille qui regarde, elle, toute pimpante et fraiche et belle et tout et tout, elle qui ne sait pas que derrière, elle a encore une fesse qui sort d'un coté.
J'aimerais qu'on puisse en parler, qu'on puisse créer un comité de soutien aux victimes des maillots de bain tricotés en pure laine vierge par leur maman... une cellule d'aide psychologique, des cercles de discussion pour s'entraider, faire le deuil, détricoter nos histoires d'enfance. Enfin pouvoir affronter le regard des anciennes petites filles, enfin pouvoir dire à nos femmes d'aujourd'hui, un jour, à la plage :
« S'il te plaît, je peux t'aider à remettre ta fesse droite dans ton maillot ? Laisse-moi faire, ça me fera un bien fou !....
Et autre chose, ma chérie, s'il te prend l'idée de vouloir donner un coup de fer à repasser sur mon maillot de bain, ce serait chouette d'y aller mollo mollo pour ne pas le cramer. Je ne peux pas encore te dire pourquoi, mais fais attention, s'il te plaît, ne crame pas mon maillot en nylon ! »