Petite question : quand vous êtes pressé, vous arrive-t-il de faire des actions insensées qui ont pour résultat l'inverse de l'effet escompté ? Oui ? Non ? Moi, hélas très souvent !
Pas plus tard que l'autre jour, je me réveille en catastrophe. A peine décollé de l'oreiller, me voilà déjà en retard. La faute du réveil qui, pourquoi, comment, n'a pas sonné. Pas une minute à perdre, il faut foncer. Tout ce qui peut me permettre de gagner du temps est bon à prendre.
Hop, tout juste arrivé aux toilettes, je tire la chasse d'eau en me disant « Voilà une bonne chose de faite ! ». Mince, trop rapide sur ce coup là : je n'ai pas encore fait mon pipi matinal. Me voilà obligé d'attendre que le réservoir de la chasse d'eau se remplisse à nouveau.
J'enfile dare-dare caleçon, chaussettes, chemise et pantalon, j'attrape au vol savonnette et shampoing et m'engouffre dans la cabine de douche. « Mince, zut et flûte, ce n'est pas pratique de se déshabiller dans une cabine de douche avec des vêtements mouillés !»
Retour à la case armoire : je me concentre, je fais le choix d'un nouveau pantalon, d'une nouvelle chemise, de nouvelles chaussettes sèches, archi sèches, merci l'archiduchesse, je renonce à coordonner les couleurs puis je fonce à cloche-pied dans la cuisine pour préparer le petit déjeuner, une chaussette main droite, une chaussure main gauche.
Est-ce bien raisonnable de prendre un café avant de partir ? Je risque de rester dans le brouillard toute la journée si je pars l'estomac vide. Alors vite fait et avec une tartine.
Je profite du moment où ma première tartine se fait dorer dans le grille-pain pour mettre une belle couche de confiture sur la deuxième ? Et... aïe aïe aïe ! Il ne fallait pas mettre la tartine pleine de confiture dans le grille-pain. Il n'apprécie pas, le grille-pain. La tartine non plus, coincée entre les petites grilles complètement caramélisées.
Le coup de la fourchette, je vous déconseille. Tout a disjoncté dans la maison. Et ça, ce n'est pas bien du tout pour le retard. « Ce n'est pas vrai ! Chérie, les bougies, elles sont bien dans le tiroir de gauche ?... Et la boite d'allumettes, elle est passée où, la boite d'allumettes ? »
A tâtons dans le noir, je finis par trouver le coffret électrique. Le petit loquet, voilà. Trouver la barrette du haut. C'est fait. La relever. « Clac » Ça disjoncte à nouveau. Clac et re Clac. « Mais, c'est bien sûr ! Tant que tu laisseras la fourchette dans le grille-pain, ça continuera à sauter ! » Retour dans la cuisine, les bras tendus pour éviter tout carambolage. J'essaye d'extirper la fourchette coincée, je renverse le grille-pain, secoue, mets des miettes partout, trouve l'idée géniale de débrancher la prise, tout ça dans le noir, retourne au compteur électrique, me prends le chambranle de la porte dans le genou, peste, jure des « B... D... » (*).
(*) B. D. : habituellement, cela veut dire « Bande Dessinée ». Dans le cas présent, non !
A peine la lumière est-elle revenue que j'aperçois une superbe dégoulinure de confiture sur ma chemise, avec plein de petites miettes de pain bien collées. « Aaahhhhh, vite, une nouvelle chemise propre. Il est déjà moins le quart. Je suis complètement à la bourre ! »
Vite fait, un petit coup de brosse à dents. « C'est quoi ce tube de dentifrice qui coince. » D'une superbe pression, j'envoie une belle giclée sur la glace et... « Nooon, pas ma chemise ! Je viens juste de la changer. » Dans la panique, je me mets à réparer vite fait ma bêtise. Me voilà en train de frotter avec le gant de toilette, frotter et étaler le dentifrice sur toute la largeur de la chemise bien zébrée de blanc, avec la pâte dentifrice qui mousse de plus belle.
A ce moment, je choisis de ne pas lever la tête, pour ne pas me regarder dans la glace. C'est le bon choix !
J'inspire un grand coup et file chercher une autre chemise propre, un polo, n'importe quoi, mais vite, car il est déjà moins dix.
« Mais pourquoi ai-je eu l'idée tout à l'heure d'attraper au passage les clefs de la voiture ? Pourquoi ? Les clefs que je laisse toujours dans la petite corbeille sur le buffet dans l'entrée. Où les ai-je posées ? Dans la chambre quand j'enfilais ma troisième chemise ? Dans la salle de bain quand je me bagarrais avec la brosse à dent ? Dans la cuisine entre le grille-pain  et la fourchette ? » Les voilà à coté du compteur électrique. Vite, il est moins cinq. Pourvu que la voiture démarre. Ouais, super !... Enfin parti ! Ça roule !!!
Et là, c'est le bonheur, circulation fluide, presque pas de voiture sur la route, places de parking libres, pas âme qui vive sur les trottoirs... Tiens, tiens, bizarre...
« Raaaaahhhhhh, on est dimanche !!! »