C'est curieux tout ce qui se passe dès que l'on pose la pointe de son stylo sur le blanc de la page.
Quand on fait un simple trait horizontal, on dessine une ligne. Pourtant, sur la page blanche, avant qu'on ne tire le trait, la ligne existe déjà. Invisible, elle est bien là, prête à accueillir les mots. La preuve, à la fin d'une phrase, je peux passer à la ligne sans l'avoir tracée. Curieux, non ?
Passons donc à la ligne.
Si j'écris « mot », c'est un mot. Si j'écris « lettre », c'est aussi un mot. Ça ne s'écrit pas pareil et pourtant c'est pareil ; ce sont deux mots, très différents, mais deux mots quand même.
Dans ces deux mots, il y a plein de lettres différentes.
Si j'écris une lettre, ça peut être très long, je peux raconter plein de choses à celui ou celle qui va la recevoir. Cette lettre, je la confie au facteur qui en prendra bien soin pour l'envoyer à la personne qui l'attend. C'est magique : dans une lettre, je peux écrire tout plein de mots pour raconter tout plein d'histoires différentes.
Je peux aussi écrire une lettre, une seule qui ne dit rien d'autre que ce qu'elle est, une simple lettre comme le A. Le A, c'est une lettre. Cette lettre A, ce n'est pas encore un mot. Impossible de la confier au facteur ; il ne saurait quoi en faire. Bizarre. Cette lettre ne dit encore rien alors que la lettre que je vous ai envoyée dit plein de choses. Ces deux lettres s'écrivent exactement pareil, avec les mêmes lettres. Une peut tout dire, l'autre ne dit que A. Et pas encore « Ah ! »
C'est comme la lettre E qui est bien consciente qu'il faut se mettre à plusieurs pour être comme « eux ».
La lettre O doit sortir couverte pour dire « Ô » ou sortir accompagnée pour dire « Oh ! ». Par contre, elle n'est pas fichue de dire « eau ». De même, si elle décide de se hisser sur la ligne du dessus, cela ne lui donne pas plus l'autorisation de dire « haut ». Elle est pourtant courageuse, la lettre O. Contre toute attente, elle s'est taillée un beau succès littéraire avec « Histoire d'Ô», un roman en rose, alors qu' « Histoire d'eau », écrit en verre, a fait un gros flope.
La lettre i ne dit rien toute seule mais nous fait tous rigoler quand elle fait « hi hi hi hi ! ».
Et la lettre U, que peut-elle faire toute seule ? Pas grand-chose, sauf si on la pose à cheval sur la ligne. Et alors : « Hu dada ! ».
C'est un peu court pour un début de ballade à cheval sur une ligne, mais ce simple « Hu ! » permet de forcer le cheval à faire le premier pas. Et de pas en pas, c'est comme cela que l'on peut avancer, n'est-ce pas ?
Comme un pas d'écriture. Un pas d'écriture, ça veut dire qu'il y a une écriture avec des espaces. Mais « pas d'écriture », cela veut aussi dire qu'il n'y a pas d'écriture sur la feuille.
« Y'a ? » « Y' a pas ? » ou « Y'a pas pas ? » telle est la question !
En guise de réponse, je préfère suivre le pas du cheval qui a besoin d'espace pour avancer. Tout comme le facteur.
Lettre, cheval, facteur... Le facteur Cheval, vous connaissez ? Vous trouvez sabot ?...

Bref, pour finir, faisons le point.
Je marque un point. Il suffit d'un simple petit signe rond et noir, sans rien d'autre. Comme cela : . Ça veut dire « point ». Par contre si je dis « il n'y a point de point », cela ne pas veut dire qu'il y en a deux ; cela veut dire qu'il y en a zéro. Et zéro pointé, c'est nul.
Bon, refaisons le point. Ça y est, je l'ai refait. Vous l'avez vu ? Il est là : .
Ce n'est pas grand chose, juste un . Pas très impressionnant ! Il paraît évident que pour développer ce point de vue, il est préférable de l'écrire en toutes lettres avec un P, un O, un I, un N et un T. Pas moins de cinq lettres pour nommer ce petit .
Maintenant, juste avant le point final, faisons une dernière expérience.
La voici : .........
Inversons le sens des points comme ceci : .........
Étonnant, non ? Quelque soit le pointillé, le point y est.
Ça n'a pas de sens. Un point, c'est fou... un point, c'est tout !